de Mardin à Erbil ( Irak)
Quand je me suis levée dans cette ville extraordinaire sous un soleil radieux, je ne m'attendais pas à ce que cette journée soit cauchemardantesque!
Le gentil monsieur de l'hôtel m'avait accompagnée la veille dans la voiture pour que je me gare au plus près ...Choukran! Nous nous sommes retrouvés près de la forteresse au sommet de Mardin et à quelques escaliers de notre gîte... En haut le soir veut dire encore en haut le matin ...Et comment qu'on fait pour redescendre avec les travaux et les sens uniques dans des ruelles où deux ânes ne peuvent se croiser...Il n'était plus là le gentil monsieur! Il était occupé mais no problem, je ne me suis pas démontée...Je suis invincible dans ma jeep...Si si ! Les petites voitures ont peur de moi...Elles me laissent passer. Il n'y a que les ânes et les routiers qui ne bougent pas d'un poil...Attention je ne fais aucun amalgame entre ces deux races protégées!
Enfin! Nous voilà partis dans une ruelle qui descendait à pic...Si cela descend forcément , nous sommes sur la bonne voie...Et bé non! Des travaux! Ils touillaient le ciment au beau milieu de la route...Bloqués! Bloqués! Pourquoi, nous n'avons pas pris plutôt un hélicoptère? J'ai du faire marche arrière dans une ruelle à 120 % de dénivelé où les gamins couraient dans tous les sens...Ils sont pas à l'école ceux-là! En tout cas, je suis super entraînée aux marches arrières sans rétro central vu que la voiture est chargée comme un âne! Encore lui, sale bête!
Revenus à notre point de départ, vous savez tout là-haut, nous avons décidé de demander à un taxi de nous montrer le chemin pour quitter ce joli endroit qui commence à m'énerver, en évitant les travaux...Il nous guida donc...sur des voies qui faisaient pas mal de poussière...Et ça y est! Nous voilà sur la route pour rejoindre la frontière irakienne. Pour cela, nous avons longé sur plusieurs kilomètres la Syrie. Barbelés et miradors.
A la douane, quitter la Turquie fut assez long mais alors rentrer en Irak, quelle galère! Des cheks points à n'en plus finir...Pour les visas, c'est comme à la CAF...Une salle d'attente immense faisant face à 3 guichets: au premier, on dépose son passeport puis on s'asseoit...Une voix masculine hurle du deuxième guichet votre nom...On le rejoint...Il ne manque plus que la lumière blanche dans les yeux, l'interrogatoire ne l'invite pas à sourire...Où allez-vous? Qu'est ce que vous allez foutre au Kurdistan? Vous êtes sûre de vous? J'exagère à peine mais heureusement mes cours de kurde me sont revenus illico presto en mémoire...C'est l'instinct de survie, çà! ....On s'asseoit de nouveau... Et puis au bout d'un certain moment, le troisième guichet ...là;ils sont trois...normal, c'est pour faire un tampon visa...Une main velu vous tend votre passeport ...et j'ai même vu un sourire...
Au prochain chek point, visa en main tout va bien...Nous disons aux pechmergas ( militaires kurdes) que nous allons à Erbil...Attention, évitez Mossul sinon couic dixit le chef avec une main qui mime l'onomatopée " couic"...Oui on sait, on ne passera pas par Mossul...Ne vous inquiétez pas...Ils nous indiquent le meilleur chemin à suivre...Encore des messieurs gentils...
Enfin, c'est ce que je croyais car le meilleur restait à venir...Presque deux heures au dernier check point pour vérifier la voiture ou plutôt le moteur...Les trois tonnes de valises dans le coffre n'intéressaient absolument pas le mécano...en bleu de travail cambouineux et mains cradasses..(.il venait certainement de se défouler sur la mercedes d'un allemand.)..il allait et venait de notre moteur à un bureau...de temps en temps il déchiffrait des numéros sous le capot qu'un autre gentil monsieur notait conscienceusement sur un bout de papier...Le mécano ne nous a même pas regardé une seule fois...Celui qui notait ne parlait que le kurde badini ( mince, nous , on connaît que le sorani!)..Bonjour la communication. heureusement, un jeune homme, las d'attendre son frère pour à peu près les mêmes raisons, est venu à notre rescousse et nous a tout traduit en anglais...Il faut aller au bureau du bâtiment A pour aller chercher un papier jaune...OK...retour au moteur...Maintenant bureau B pour le papier rose...OK....retour au moteur....inspection du moteur...Pour vous dire, Bertrand a fait 11 bureaux, il avait des papiers de toutes les couleurs dans les mains...Avec Théa, nous étions près de la voiture où des dizaines de gens qui s'ennuyaient en profitaient pour regarder le ventre de la jeep dès que monsieur bleu arrivait...Cela aurait pu être un cauchemar sous 45 degrès mais c'était tellement gros qu'avec Bertrand, nous regardions cette chorégraphie d'un air amusé...Une éternité après, cela paraissait bon, blue man nous dit de refermer le capot et ......d'ouvrir le coffre....Là, c'en était trop, depuis deux heures, on voyait bien qu'un billet dollar glissé dans le passeport aurait accéléré les choses ( il ne faut pas trop les habituer tout de même) mais là, ouvrir le coffre...OK...mais toucher à l'énorme boîte playmobil qui tenait les 50 sacs qui pouvaient s'écrouler à n'importe quel moment...C'en était trop...Théa a crié : Non mes playmobils! Pas touche! ...Et bien moteurman n'a pas touché...Il a dit : " Allez-y! " d'un air déconfit.
Nous voici donc en Irak...Ce qui était prévu au programme c'était de dormir à Dohuk et de filer le lendemain à Erbil mais franchement après toutes ces aventures, j'avais vraiment envie de mon lit, enfin de mon matelas...Théa , aussi..Bertrand, seulement, était réservé car il était déjà 16h30 et la nuit tombe vite.;et la nuit, il vaut mieux éviter de rouler, les trous sur la chaussée peuvent être surprenants...Mais j'étais déterminée, c'était faisable...3 heures de trajet pour aller à Erbil...16h30+3h=19h30;;; c'était juste mais faisable...
J'aurais mieux fait d'écouter mon chéri...D'abord, beaucoup de voitures sur des routes très mauvaises...Je n'ai pas pu rouler aussi vite que prévu mais surtout des camions partout...on en double un, pour en suivre trois autres...La patience était à rude épreuve aujourd'hui...jusqu'à un "BIM" un petit caillou dans le pare brise...Le camion que je suivais perdait sa cargaisons de caillasses...J'étais triste pour ma jeep mais ce n'était qu'un petit impact...Je laisse donc de l'espace entre nous et ce " petit poucet"...J'étais assez loin pour être en sécurité et "BOUM" un caillou gros comme un rocher...Je n'ai pas déviée sur la route. J'ai été super dans mes réflexes, certes mais pendant 5 minutes, dans la voiture, ce fut un silence très pesant...Je suis devenue momentanément sourde...puis un sifflement comme après un concert trop près d'une bafle...Nous étions près de Mossul et j'ai même cru à un tir de kalach...Là, je pense que j'avais vraiment besoin de dormir...
Quand on a vu le check point à l'entrée d'Erbil, quel bonheur! Un sourire du militaire et ça y est, on se sent chez soi...Nous sommes allés manger de suite à notre cantine ( un bon petit resto italien près de la maison) car mine de rien, depuis 10 h ce matin, à notre départ de Mardin, nous n'avions rien mangé, pas même fait pipi pour ne pas perdre de temps...Quelles erreurs pour un même jour!
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